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Ruchla Zlotowicz convoi 6 par sa fille Fanny Sancellier

Non je n’ai rien oublié, vous comprendrez ma difficulté à évoquer  ces souvenirs douloureux. Cette période de mon adolescence, je l’ai toujours occultée. Je n’en n’ai parlé que parcimonieusement à mes enfants et mes petits-enfants malgré leur désir de savoir.

Elle a déposé son maigre bagage sur le siège et s’est penchée à la fenêtre de l’autocar dont elle venait de baisser la glace ; nous étions debout sur le trottoir, ma petite sœur (2 ans) dans les bras de ma grand-mère et moi à côté d’elle.

« Je ne vous reverrai plus jamais » furent ses dernières paroles.

J’étais bien loin de penser qu’elle disait vrai. Ma tête d’enfant de douze ans ne comprenait rien à ce qui nous arrivait. Ou bien je refusais d’y croire. Bien sûr, elle allait nous revenir.

Non, je n’oublierai jamais la rafle de ce lundi 13 juillet 1942 à Dijon. Six heures du matin, deux policiers français, dont un en civil, frappent à notre porte, nous enjoignent, ma mère, ma sœur et moi-même 12 ans, de les suivre au commissariat central, Cour de Barre, « pour renseignements ».

A notre arrivée, un horrible spectacle s’offre à nos yeux : des hommes agités, des mères et leurs enfants en pleurs, des vieillards assis sur le trottoir. Dans cette cour de la mairie de Dijon, c’est une véritable désolation et nous venons nous ajouter au nombre.

Ce jour-là, hélas ! tous furent chargés dans deux bus, ma mère fut arrêtée, envoyée vers une destination inconnue * (c’est ce qu’on nous a dit) et déportée avec tous ces misérables, étoile  jaune sur le  cœur.

Et ensuite …AUSCHWITZ.

Ma sœur et moi avons miraculeusement échappé au voyage, ma grand-mère âgée était là pour nous recueillir. Nous devions cette même nuit du 13 au 14 juillet fuir en zone libre rejoindre notre père qui y était caché depuis peu. Au moment de la rafle, nous habitions dans l’arrière-boutique du magasin dont la façade placardée d’affiches insultantes interdisait tout commerce.

A partir de cet instant, nous nous sommes séparés et sommes devenus des clandestins avec tout ce que cela comporte de méfiance et de peur. Dans notre fuite, nous avons tout abandonné, les biens et leur contenu de souvenirs des années de dur labeur. Nous avons vécu ces années de guerre cachés, changeant de région, d’identité, de domicile pour nous faire oublier et pour survivre avec notre peur au ventre.

Vint le mois de mai 1945 et notre retour chez nous ! Nous n’avons  retrouvé que des murs vides, sales, saccagés. Oui, le vide total, tout avait été pillé. L’évidence s’offrait à nous 3 années après, nous étions orphelines de mère et nous ne savions pas ce qu’elle était devenue.

Nous n’étions plus que trois, nous avons péniblement recommencé une nouvelle vie. Mon père et moi avons engagé de vaines recherches, mais aucun espoir sur le retour de notre mère, juste un papier officiel indiquant : DISPARUE.

Nous ne saurons jamais de quelle manière. ni quand (SALE GUERRE !). Une mère qui nous a beaucoup manqué tout au long de notre vie et dont la dernière phrase jetée par la fenêtre du bus résonne encore à mes oreilles 65 ans après.

Comment fait-on le deuil d’une mère que l’on vous a ravie d’un instant à l’autre dont on n’a jamais connu le parcours depuis son enlèvement un lundi 13 juillet 1942, à part un carré de papier portant la mention : DISPARUE.

* Note pour Fanny Sancellier

L’autocar qui emmenait les Juifs de Dijon est parti à Pithiviers.

Il y a deux fiches de Pithiviers pour votre maman, aucune de Drancy.

Le convoi 6 est parti de Pithiviers le 17 juillet à 6h15.

Fanny Morgenstern.

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