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Témoignage sur Szmul PRZYSZWA convoi 5 par ses enfants

Szmul PRZYSZWA convoi 5 par ses enfants Lisette, Henri et Maurice

Notre père Szmul Przyszwa est né le 21 juillet 1906 à Kaluszyn de Przyszwa Herchl (Tsvi) et de Chinka Rubinstein. Kaluszyn, est une bourgade (sthetl) de Pologne à une cinquantaine de kilomètres de Varsovie sur la route qui mène à la Biélorussie, où, sur une population de 10 000 personnes, il y avait environ 70% de Juifs et 30% de Polonais.

Szmul avait trois frères et une sœur. Il était le troisième enfant d’une famille assez pauvre, où les enfants ont dû travailler très jeunes.

Sur l’enfance et l’adolescence de notre père, nous savons peu de choses. Son père a été mobilisé pendant la guerre 14/18, et les enfants ont eu de grands problèmes pour se nourrir. Le plus jeune frère est décédé à ce moment- là.

Nous savons que notre père a travaillé comme tourneur sur bois chez un frère de notre mère, où il a connu notre mère. Le métier de tourneur sur bois était la spécialité de la famille Finkielstein dont notre mère est issue.

Nos parents se sont mariés en 1930, nous n’avons pas la date exacte. Peu après leur mariage, notre père a émigré en France pour des raisons économiques. Il est venu illégalement avec son cousin germain, Nissim Jablonka (Nissim a été déporté avec sa femme et ses sept enfants), après un voyage mouvementé, car la personne qui devait les conduire en France les a abandonnés à Berlin.

Ils sont arrivés à Paris où ils ont retrouvé une partie de leur famille.

Notre père avait un frère, trois oncles maternels et une tante. Ils avaient tous de nombreux enfants, ce qui faisait une grande famille, dont malheureusement beaucoup furent déportés.

Peu après son arrivée, notre père travailla dans une fabrique de matzos sur la recommandation d’un ami de Kaluszyn.

Le 23 mai 1931, il s’est inscrit dans un registre de commerce comme brocanteur jusqu'à son départ pour Beaune-la- Rolande. Une partie de la semaine, il cherchait et achetait de la marchandise qu’il revendait en fin de semaine au marché aux puces de Saint-Ouen.

Notre mère est arrivée à Paris le 30 juin 1930, avec un passeport polonais, et ils ont habité rue de l’Hôtel de ville au n°26. Dans cette rue habitaient son frère avec sa famille, et quelques personnes originaires de Kaluszyn. Nos parents se marièrent civilement le 21 mai 1932. Le 28 juin 1932 Lisette est née, l’aînée des enfants.

En octobre 1932, ils emménagèrent au n°6 de la cité Lesage Bullourde où habitaient une partie de la famille, un oncle et 2 cousins germains avec leurs femmes et les enfants.

Le 16 octobre 1934 naissait Henri. Nous avons grandi avec nos cousins et cousines, qui avaient à peu près le même âge. Ils furent tous déportés sauf une. Aucun n’est revenu. Nous avons fréquenté les écoles maternelles et communales du quartier.

Les fins de semaine, nous étions gardés par la cousine de notre père, Marie Rubinstein[1], qui était déjà une jeune fille, et parfois nos parents nous emmenaient au marché aux puces de Saint-Ouen.

L’année 1939, nous sommes partis en vacances à Montigny-Beauchamp, non loin de Paris. C’était un bel été, nous passions les journées dans un pré, avec plusieurs familles qui habitaient comme nous cité Lesage Bullourde. Et un jour, notre père et son cousin Paul Rubinstein sont venus nous chercher, c’était la guerre. Les vacances étaient finies, ce furent les premières et les dernières vacances que nous avons passées avec nos parents.

Notre père voulut s’engager dans l’armée française, mais il n’a pas été recruté. Nous ne connaissons pas les raisons du refus des autorités militaires.

Lisette a été évacuée de Paris avec son école[2], quant à Henri, il se retrouva dans une grange du Loiret avec notre mère et plusieurs femmes de la cité Bullourde avec leurs enfants.

Peu de temps après, tout le monde rentra à Paris jusqu'à l’alerte suivante. Pendant l’offensive allemande de mai 1940 nous sommes restés à Paris, ce qui fait que nous avons assisté à l’entrée des troupes allemandes[3]. La vie a repris son cours, nos parents ont continué leurs activités, et les enfants sont retournés à l’école.

Le 6 février 1941 naquit Maurice. Nos parents pensaient emménager dans un appartement rue du Poteau, qui était plus près de Saint-Ouen. Mais le 13 mai 1941, notre père a reçu le fameux billet vert, comme d’autres habitants de la cité Bullourde. Et, dans la soirée, en bas dans la cour, ces hommes se sont concertés pour décider de ce qu’ils devaient faire. Monsieur Motyka, un de nos voisins disait qu’il ne fallait pas se présenter le 14 mai, au gymnase Japy. Malheureusement personne ne l’a écouté.

Depuis ce jour-là, Lisette et Henri n’ont plus revu leur père. Notre mère a emmené avec elle Maurice lorsque les visites étaient permises. Les seuls souvenirs que nous avons de notre père au camp, ce sont quelques photographies, une carte de vœux pour l’année 1942, et un lit de poupée pour Lisette[4].

Notre mère a continué le marché, avant la nomination d’un administrateur provisoire. Puis est survenue la rafle du 16 juillet 1942, à laquelle nous avons échappé, car ce jour- là la police n’a pas pris les familles qui avaient des enfants de moins de 2 ans, ce qui était le cas de Maurice.

Une de nos relations a loué une pièce dans la cité Bullourde, ce qui a permis de nous cacher, et notre mère est restée dans cette chambre jusqu'à la libération de Paris.

Les enfants ont quitté Paris fin 1942 ou début 1943. Nous avons été placés par une organisation qui était située rue des Francs Bourgeois à Paris[5]. Nous nous sommes retrouvés chez de très braves gens, monsieur et madame Tabouret à Villeparisis près de Paris. Nos cartes d’alimentation furent nettoyées du tampon juif dont elles étaient marquées, et nous avons été à l’école sans problèmes jusqu'à la libération de Villeparisis par l’armée américaine.

Peu de temps après la libération, nous sommes rentrés à Paris avec notre mère. Nous avons repris nos études et Maurice a été à l’école maternelle. La vie n’a pas été facile, notre mère était seule pour s’occuper de trois enfants.

Et la guerre s’est terminée, nous attentions le retour de notre père, mais le temps passait et il n’est pas revenu, ainsi que 28 membres de sa famille.

D’après les documents de Yad Vachem, notre père est décédé le 11 octobre 1942 au camp d’Auschwitz.

A ce jour Lisette a trois enfants et quatre petits-enfants. Henri un fils et trois petits- enfants. Maurice a deux enfants et deux petits-enfants.

[1] Elle a été déportée avec ses parents sans retour.

[2] Dès la déclaration de guerre, le gouvernement avait organisé l’évacuation des écoles, ainsi le 11e arrondissement partait vers le Loiret, le 10e vers la Nièvre.

[3] Paris est déclarée ville ouverte le 14 juin 1940

[4] Le petit lit en bois peint a été réalisé pour les 9 ans de Lisette. Il est décoré d’animaux, un héron, un poussin, ainsi qu’une dédicace : « souvenir pour ma fille, Lisette, Beaune-la-Rolande, 14 mai 1941 ». Voir Claude Ungar, Derniers souvenirs, objets des camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande, exposition au Mémorial de la shoah, 2008.

5 Le dispensaire de la rue des Francs-Bourgeois, propriété avant-guerre de l’association « pour nos enfants » était occupé par les médecins de l’OSE et servait de centre de renseignements pour se cacher ou trouver des familles d’accueil pour les enfants.

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