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Témoignage sur LeibTalarowicz convoi 6 par sa nièce Leslie CORLER née TALAROWICZ

Leib (Léon) TALAROWICZ est né à Varsovie le 19 septembre 1922. Il était le fils de Szmul (Samuel) TALAROWICZ tailleur de profession et de Fajga Chaja Féla ALTERWAJN et le frère de mon père Uszer (Albert) TALAROWICZ né le 10 juillet 1918 à Varsovie.

Il a été déporté à Auschwitz le 17 juillet 1942 par le convoi n°6 et y est décédé le 15 octobre de la même année d’après les Archives du musée d’Auschwitz.

En 1930 la famille a fui la Pologne où les pogroms se multipliaient et où régnaient misère et antisémitisme. A ce sujet, mon père se souvient qu'il a d'abord été dans une école religieuse pour y apprendre les principes fondamentaux de la bible, puis mon grand-père, sympathisant socialiste, a préféré mettre ses fils à l'école communale. Là, les Juifs et les Catholiques étaient séparés et les sorties d'école se soldaient souvent par des bagarres entre les deux.

Mes grands-parents et leurs deux fils arrivèrent en France et furent hébergés à Paris chez un frère de ma grand-mère qui s'appelait Gronheim Alterwajn. Installé en France depuis longtemps, il avait fait la guerre 14-18 et avait été décoré.

Il possédait un atelier de maroquinerie dans le 11ème arrondissement et avait fondé une association qui venait en aide aux Juifs nécessiteux et envoyait les enfants en vacances à Berck-Plage. Mon père et mon oncle furent scolarisés rue de la République puis au Cours Complémentaire  rue Clignancourt, mes grands parents ayant trouvé un logement au 56 boulevard de la Chapelle. Mon oncle Léon était un élève très brillant. Nous avons en notre possession quelques-uns de ses cahiers qui prouvent son intérêt pour les études et dont le soin et l'écriture parfaite suscite l'admiration. Il s'intéressait également à la musique et jouait de la mandoline.

Mes grands-parents demandèrent la nationalité française et quand la guerre éclata, mon père voulut s'engager pour la France terre d'accueil et des Droits de l'Homme! Mais son décret n'étant pas signé, il fut considéré comme apatride et s'engagea dans la Légion Etrangère. Au mois de juin 1940, il fut démobilisé et retourna à Paris où étant toujours considéré comme Polonais, il reçut une simple carte de séjour.

Le 10 mai 1941 mon père se maria et le 14 mai 1941 il reçut, ainsi que son frère Léon, une convocation, le fameux billet vert, afin qu'ils se présentent tous deux munis de papiers d'identité et de quelques effets personnels à la préfecture de police. Ils furent immédiatement arrêtés. Mon père fut envoyé au camp de Beaune-La-Rolande et mon oncle Léon à Pithiviers. La journée, Léon travaillait à la ferme du Ousson en Sologne avec d'autres compagnons d'internement. Il a envoyé des photos à sa famille où il disait espérer rapidement le retour au calme.

Mon père Albert a réussi après trois mois d'internement à s'évader en compagnie d'un camarade du camp de Beaune-la-Rolande après de multiples péripéties et beaucoup de chance! C'était le 5 août 1941. Il m'a dit que pendant tout ce temps, il n'a jamais vu un seul Allemand mais uniquement des policiers français !

Mon père réussit à obtenir de faux papiers d'identité, il s'engagea dans la résistance et la vie reprit dans une chambre de bonne rue de Tolbiac. Avec sa jeune épouse catholique, il cacha ses parents, son oncle, sa tante, un cousin et deux cousines. Il se débrouilla pour nourrir sa famille, sa femme travaillant dans le magasin d'alimentation de son oncle, profession interdite aux Juifs. Puis il réussit à acheter un appartement de deux pièces cuisine au 19 boulevard de Sébastopol dans le 1er  arrondissement. C'est là que tout le monde se cachait et là que mes grands-parents ont fini leur vie en 1965 et en 1979.

Un jour, mon oncle Léon a obtenu, je ne sais pour quelle raison, une permission de sortie du camp de Pithiviers. Mon père et mes grands parents l'ont supplié de ne pas y retourner, mais, comme tant d'autres, on l'avait menacé de représailles sur sa famille s'il ne rentrait pas.

Il a été déporté à Auschwitz le 17 juillet 1942 par le convoi N°6 et y est décédé le 15 octobre de la même année d’après les Archives du Musée d’Auschwitz.

A chaque retour de déportés, mes grands-parents et mon père se rendaient à l'hôtel Lutétia le cœur rempli d'espoir jusqu'au jour où ils rencontrèrent une personne qui leur dit avoir connu mon oncle et leur apprit qu'il avait été fusillé. Mais à ce jour, nous ignorons toujours les circonstances officielles de sa mort. A- t-il été gazé ou bien fusillé ? Depuis que j’ai appris la date exacte de son décès et connaissant son esprit contestataire, je pense que ces trois mois passés au camp de concentration ont dû être un véritable enfer.

Il avait 19 ans. Je suis née seize ans après et son souvenir n'a jamais cessé de hanter les pensées de mes grands parents et de mon père Albert.

Papa est décédé en 1995 à l'âge de 87 ans emportant avec lui cette mémoire que je suis heureuse de pouvoir faire revivre à travers cet écrit extrait d'un témoignage de plus d'une heure trente que mon père avait enregistré avec sa petite-fille, dix ans auparavant.

Dix-sept personnes de notre famille dont six frères et sœurs de ma grand-mère sont mortes en déportation.

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