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Témoignage sur le destin de Sarah Montard née Lichtsztejn convoi 15

Sarah Montard, l’une des dernières  rescapées françaises d’Auschwitz, est morte, lundi 21 février 2022, chez  elle, au Tremblay-sur-Mauldre (Yvelines), à l’âge de 93 ans. Elle est  née Sarah Lichtsztejn, le 16 mars 1928, à Dantzig (devenue Gdansk), et  déclarée polonaise. Son père, Mowsza Fajwel (Moïse), est un  intellectuel, poète et anarchiste qui enseigne le yiddish. Sa mère,  Marjem (Maria), est couturière à domicile. La famille se réfugie en 1931  en France, que Moïse vénère encore en pays des droits de l’homme et de  la Révolution. Les Lichtsztejn s’installent à Paris, dans le 20e arrondissement, rue des Pyrénées, dans un petit appartement en  rez-de-chaussée. Ils vivent misérablement des travaux de couture de  Maria. Sarah apprend le français et débute ce qui s’annonce une  brillante scolarité dans l’école de la République.

Juif  étranger, Moïse est arrêté en juillet 1941 et envoyé dans le camp  d’internement de Pithiviers (Loiret) d’où il s’évade. Il acquiert des  faux papiers – alsacien, afin de couvrir son accent yiddish. Il se cache  loin de son domicile qu’il rejoint en secret. Il emmène parfois sa  fille pour des sorties aux apparences insouciantes à travers Paris. Mais  le 16 juillet 1942, Maria et Sarah sont à leur tour arrêtées par des  policiers français lors de la rafle du Vél’d’Hiv’. Sarah ne figure pas  sur les listes mais est tout de même embarquée par les zélés  fonctionnaires. Elle a 14 ans. « Je crois que mon enfance a basculé ce jour-là», dira-t-elle plus tard dans un témoignage enregistré par le Mémorial de la Shoah.

Dans  le Vélodrome, un gendarme explique à sa mère que les détenus vont être  envoyés en Allemagne pour travailler. Mais quand Maria voit arriver des  grabataires, des handicapés et même des moribonds, elle comprend qu’il  n’en est rien et que ne s’annonce rien de bon. Elle commande à sa fille  de s’échapper et de rejoindre l’adresse d’amis. Après plusieurs essais  infructueux, Sarah se glisse derrière un gendarme. Elle franchit les  barrages. Elle ne saura jamais si celui qui l’a laissée sortir a fermé  les yeux ou été négligent… Elle retrouve sa mère qui est également  parvenue à s’échapper quelques minutes après elle, avec la complicité  d’un balayeur.

« CE SOIR, LES VÔTRES BRÛLERONT LÀ »

Les  deux femmes sont cachées dans une famille non juive dans l’Yonne puis  reviennent en région parisienne avec de faux papiers. Elles vivent  avenue de la République. Maria installe son atelier de couture dans la  cour de l’immeuble. Mais, le 24 mai 1944 au matin, deux policiers  français se présentent à leur domicile et embarquent Maria et Sarah, qui  ont été dénoncées par leur voisin de palier du quatrième étage. Dans la  rue, elle croise Moïse, qui venait voir Sarah et échappe de justesse à  l’interpellation.

Les deux  prisonnières sont conduites à Drancy. Le 30 mai, elles sont emmenées à  la gare de Bobigny et poussées à coups de crosse dans un wagon du convoi  75. Le train arrive à Auschwitz le 2 juin. Les hommes ont été séparés  des femmes, qui avancent jusqu’à un bel officier en grande tenue. « Il avait une badine à la main et mettait les gens à sa droite ou à sa gauche. » Elle saura plus tard son nom : le docteur Josef Mengele.

Sarah  et sa mère échappent à la sélection. Elles sont conduites dans un  bâtiment où on leur appose un tatouage (A7142 pour Sarah). Maria demande  ce que sont devenues les autres personnes du convoi. Par la fenêtre, on  lui montre l’extérieur. « Vous voyez ces cheminées. Et bien, ce soir, les vôtres brûleront là. » Des 1 004 personnes du convoi 75, 237 hommes et 131 femmes réchapperont à la chambre à gaz.

Les  deux déportées sont affectées à un kommando extérieur qui travaille sur  le terrassement d’une ligne de chemin de fer. Sarah transporte des  rails comme un animal de trait. Les conditions sont abominables. Levée à  3 heures du matin. Une louche d’eau le matin, une louche d’eau  l’après-midi. A midi, une maigre soupe, le soir une ration de pain noir  de 250 grammes. Il faut rentrer au pas vers les baraquements, au son de  la musique, en ramenant celles qui sont mortes d’épuisement. L’appel  peut durer cinq heures.

MARCHE DE LA MORT

Fin  octobre 1944, Sarah est séparée de sa mère. Elle est reconduite à  Birkenau mais se retrouve sous la protection de prisonnières  ukrainiennes et russes. Elle est affectée à une ferme pour creuser en  plein hiver des canaux. Le 18 janvier 1945, neuf jours avant la  libération du camp par les Soviétiques, Auschwitz est évacué et Sarah  est emmenée dans une marche de la mort où elle retrouve sa mère, qui a  aussi survécu.

A  l’issue d’une interminable errance à travers l’Allemagne, les  prisonnières parviennent au camp de Bergen-Belsen, où elle croise Anne  Frank, qui a un an de moins qu’elle. « Le jour de mes 17 ans, j’ai eu le typhus comme cadeau d’anniversaire »,  raconte Sarah. Elle en réchappe encore. Le 15 avril 1945, la première  armée anglaise libère le camp. Maria et Sarah sont évacuées. « Je pesais 40 kilos, maman 35. On pouvait compter ses dents sous la peau de ses joues »,  décrit la fille. Le 24 mai 1945, un an jour pour jour après son  arrestation, elles arrivent gare du Nord, les rescapées sont accueillies  au son de La Marseillaise.

Profondément abattue, Sarah reprend malgré tout ses études et passe son bac. Elle se marie en 1952 et a deux enfants. « De la déportation, elle ne parlait jamais »,  témoigne Claire Cotinaud, sa fille. Sarah travaille à l’agence Reuters  puis au Muséum d’histoire naturelle. Elle a été aussi marionnettiste  dans une troupe yiddish. En 1983, après la mort de sa mère, Sarah se met  enfin à témoigner. Elle le fera jusqu’à son dernier souffle. Elle a  publié ses souvenirs en 2011 (Chassez les papillons noirs. Récit d’une survivante des camps de la mort nazis, Le Manuscrit, collection « Témoignages de la Shoah »).

Sources Mémorial de la Shoah

 

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