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Témoignage sur Jankiel Oksenberg convoi 13 par sa fille Renée Oksenberg

Mon Père Jankiel Cale Oksenberg, est né le 18 Septembre 1903 à Radoszyce Pologne. Il est le fils de Rahmil Oksenberg et de Malka Ryvka Pozucker (Porzycki). Il était le seul garçon d’une fratrie de six autres filles, probablement elles aussi déportées, mais dont je ne sais rien, sauf pour une. Alte Frimet Oksenberg, sa cadette de 2 ans, venue également en France, est déportée par le Convoi 11.

Vers 1928-30, mon père se marie en Pologne avec Chana-Minka Szpilfogiel, ma mère, et ils décident de venir en France et à Paris, pour eux, le pays des droits de l’homme, de la liberté, égalité, fraternité. De cette union naissent trois filles: Suzanne en 1932, Berthe en 1934 et moi la dernière, Renée, née le 25 juillet 1941.

En 1934, le 30 janvier, A Paris,  n’ayant probablement qu’une « Kétouba » pour justifier de son mariage religieux en Pologne, il légalise en France, par un mariage civil à la mairie du 19ème. Ils s’installent successivement au 19, rue Ferdinand Duval dans le 4ème arrondissementt dans le Pletzl, puis au 83, rue de Belleville 20ème, et enfin au 18, rue de Tourtille 20ème.

Dès le début, bien évidemment, mon père travaille pour nourrir sa famille, et est d’ailleurs identifié sur tous les documents comme tailleur. Pourtant, en 1941, sur sa fiche du camp de Beaune-la-Rolande (numéro d’ordre 1335), il est indiqué l’insupportable motif d’internement : En surnombre dans l’économie nationale.

En 1939, le 19 septembre, il se présente comme engagé volontaire au centre d’engagement de la légion étrangère de Vincennes et le 5 octobre1939, il est officiellement accepté et engagé pour la durée de la Guerre, selon Livret du Ministère de la Guerre, en qualité de 2ème classe du 12è régiment étranger, 3ème Bataillon matricule 5138.

En 1940, le 6 juin, blessé au genou droit, par un éclat d’obus, il est hospitalisé à l’Hôpital Complémentaire de Gaillac, puis envoyé de Gaillac à Albi (Tarn) et le 31 août 1940, guéri, il est démobilisé du Camps de Madame (Carcassonne) avec autorisation de se retirer à Paris.

Le 14 mai 1941, il est arrêté, à Paris, lors de la première grand rafle des Juifs, sous le motif  Scandaleux déjà signalé de : « en surnombre dans l’économie nationale ». Il arrive le même jour au Camp de Beaune-la-Rolande (Loiret) Baraque n°7.

Il n’était donc malheureusement pas présent auprès de ma mère, le jour de ma naissance, et de ce fait, elle fut méprisée et traitée de fille-mère, par le personnel de l’hôpital Saint Louis où elle accouche le 25 juillet 1941. S’exprimant encore mal en français, elle essaya tout de  même de dire : moi pas fille-mère, mari prisonnier, mais on ne la croyait pas.

Par chance, mon père est toutefois libéré le 26 août 1941 du camp de Beaune-la-Rolande au motif : blessé de guerre. Il m’a donc vue, et même si je ne m’en souviens pas, je l’ai vu de mes yeux vu (preuve mon unique photo avec lui jointe ci-dessous).

Le 14 octobre 1941, mon père encore confiant en l’avenir en général, et en la France en particulier, fait donc une demande en ma faveur, pour l’obtention de la nationalité française. Il est intéressant de noter sur ce document, en ma possession, que, d’une part, ma mère, son épouse, est identifiée sous la dénomination : « mariée à un Juif », et d’autre part, que cette demande n’aboutit au final que le 18 juillet 1945. On peut donc imaginer qu’entre les deux, j’étais juste et seulement apatride, bien que née en France. Lui et moi, ne profiterons pourtant l’un de l’autre, qu’à peine une petite année, puisque le 16 juillet 1942, date de la grande rafle du Vélodrome d’Hiver, il est arrêté chez nous, 18 rue de Tourtille.

Ma mère m’a toujours raconté les évènements de la façon suivante :« La police française a frappé à notre porte et ma mère, qui me portait dans ses bras  a ouvert tandis que mon père, conscient d’un danger, se cachait dans une partie non visible de l’appartement. Les policiers ont demandé : Où est votre mari ? Ma mère a répondu : il est absent. Les policiers lui ont donc dit : Suivez-nous ! Mon père, qui entendait tout, croyant nous sauver, s’est alors montré et livré. Il a dit : « Laissez-les ! Je suis là ! » Pourtant, les policiers nous ont embarqués tous les trois.

A ce stade de l’histoire, et jusqu’à ce jour, je ne sais toujours pas, par quel miracle, ma mère et moi avons été relâchées, alors que mon père lui, a été dirigé sur Pithiviers, et déporté sans retour, le 31 juillet 1942 à Auschwitz par le convoi n° 13 comme on peut le constater sur le Mémorial de la Déportation des Juifs de France que nous devons à maître Serge Klarsfeld.

Mon père n’avait pas 39 ans et moi, un an et six jours à son arrivée à Auschwitz. Toutefois, je ne peux me résoudre à résumer la courte vie de mon père uniquement avec ces faits, même avérés. Je souhaite au contraire, faire prendre conscience qu’on a assassiné un homme jeune, père de trois petits enfants, UNIQUEMENT parce qu’il était Juif.

Pour le très peu que je sais j’ajouterai donc et aussi que c’était un humaniste, juste et doux, qui respectait la vie au point qu’il disait qu’il ne faut pas les tuer, et pas même les mouches, car même elles, sont aussi des créatures de Dieu. En conséquence, je relève avec amertume, qu’Il faut croire qu’il a été considéré et traité, encore moins bien qu’une mouche, puisque les nazis l’on assassiné.

Il refusait aussi que l’on perce les oreilles de ses trois filles, comme cela se pratique souvent, afin d’y passer des boucles d’oreilles, parce qu’il estimait la raison futile, et considérait l’idée même  très barbare. En souvenir de lui, mes sœurs et moi ne l’avons jamais fait et la nouvelle génération, mes deux petites-filles, pas davantage, en mémoire de leur arrière-grand-père.

C’était un homme qui, quoique réservé, de l’avis de chacun, aimait les films de Charlie Chaplin, qui le faisait rire aux éclats, m’a raconté ma mère. Il aimait aussi beaucoup chanter tout en travaillant sur sa machine à coudre, et mes sœurs ainées, ont conservé en mémoire une chanson en yiddish qu’il aimait chanter : « Yossel Ber ».

Pour ma part, et compte tenu de mon jeune âge, un an et six jours je le rappelle au moment de sa déportation, chacun de ces minuscules détails, qui peuvent sembler insignifiants, sont, non seulement mon héritage, mais dessine pour moi, une personnalité attachante, qui me va droit au cœur, et simultanément une profonde révolte qu’on ait pu assassiner un être à la droiture et l’éthique indiscutables.

Je possède, sauvée du désastre, une unique photo, (ci-jointe) un trésor à mes yeux où je figure entre mes deux  parents, dans la cour de notre immeuble. Elle semble avoir été prise très peu avant le 16 juillet 1942, date de la grande rafle du Vel d’Hiv. Cette unique photo, est pour moi, la preuve irréfutable que je l’ai connue, même si je ne m’en souviens plus, elle est inestimable pour moi.

 

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