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Témoignage sur Moszek Tenenwurcel convoi 5 par sa sœur Perla GRYNER

Mes frères Moszek, né le 15 avril 1920 avait 22 ans et Ela, né le 28 août 1922 à Frampol en Pologne avait 20 ans lorsqu’ils ont été convoqués le 14 mai 1941 par le billet vert au gymnase Japy. Ils furent emmenés au camp de Beaune-la-Rolande. Moszek fut déporté à Auschwitz par le convoi 5, le 28 juin 1942, Ela 2O jours plus tard par le convoi 6, le 17 juillet 1942.

Dans l’immeuble où notre famille habitait, rue de l’Orillon à Paris dans le 11ème arrondissement, vivaient beaucoup de Juifs venus comme nous de Pologne. Mes parents étaient tous deux natifs de Krachnik, près de Lublin. Mon père y était sellier-bourrelier. Il travaillait pour des paysans catholiques. Mais un jour, ils n’ont plus voulu faire travailler les Juifs.

Mes parents, Zelman et Guitia Tenenwurcel, sont venus en France dans les années trente. Mon père apprit de son frère le métier de maroquinier. C’était un homme très intelligent parlant le russe, le polonais, le français, le yiddish et l’hébreu. En arrivant, il s’est aussi occupé de la synagogue de Belleville où il allait prier tous les matins. Ma mère s’occupait de son mari et de ses 6 enfants. Comme j’avais déjà près de 15 ans lorsque je suis arrivée à Paris, j’étais trop grande pour retourner à l’école. J’ai donc appris la maroquinerie. Je cousais des petits lapins sur les porte-monnaie que fabriquait mon père. J’allais aussi au cours du soir pour apprendre le français. Au début nous étions très pauvres. Dans l’appartement, il n’y avait pas de salle de bain et les commodités étaient sur le palier. Je me souviens que je n’avais pas d’argent même pour m’acheter un crayon ! Mais malgré tout c’était très gai. Il était rare à cette époque que toute une famille soit ainsi rassemblée à Paris. Je me souviens aussi que mon frère Moszek était communiste. Il lisait le journal yiddish, la « Naïe Presse ». Tandis que mon père lisait « Unzer Wort ».

A la réception du billet vert pour mes deux frères et aussi pour mon beau-frère, je me souviens que mes parents se sont rendus chez des amis pour discuter de ce qu’il fallait faire. Certains disaient : « bien sûr qu’il faut y aller. On n’a rien à se reprocher ». D’autres étaient plus méfiants.

Ils y sont allés…

Je suis allé leur rendre visite à deux reprises. Une première fois en train. Les gardiens n’étaient pas très regardants. C’était au début de leur captivité. Ils paraissaient en bonne forme. Je leur avais apporté à manger. Ils m’assurèrent qu’ils ne manquaient de rien. Ils me firent même voir des restes de pâtes qui avaient été jetées. Ela travaillait chez un paysan du coin qui était très content de lui. La seconde fois, je suis allée les voir en bus. L’ambiance était plus tendue mais ils gardaient bon espoir de revenir. Ils ne revinrent jamais.

L’année suivante, mon père nous conduisit, ma sœur et moi en zone « soi-disant libre » près de Lyon. Je me souviens avoir passé la ligne de démarcation dans un camion bâché de paysan. C’était effrayant. On ne pouvait même pas respirer.

Puis, mes parents regagnèrent Paris. Un mois plus tard nous apprîmes qu’ils avaient été raflés. Ils furent déportés le 23 juin 1943 depuis Drancy vers Auschwitz par le convoi 55. Personne n’est revenu. Toute la famille du côté de ma mère fut aussi déportée.

J’ai aujourd’hui plus de 90 ans. J’ai deux fils, 6 petits-enfants et 3 arrière-petits-enfants. Ils tiennent à ce que je vive très longtemps. Mais je me demande jusqu’à quand ?

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Un commentaire

  • Karin Lewinger dit :

    Bonjour, je viens de lire votre témoignage. Mon père, Aron Lewinger est également né à Frampol en 1922, comme votre frère, Ela. Il a fuit la Pologne à 16 ans, juste avant le bombardement de Frampol. Il a été arrêté en Russie et envoyé au goulag pendant 7 ans car soupçonné d’être sioniste. Après sa libération, il est parti à Bruxelles où il a retrouvé son frère ainé, seul autre survivant de la famille. Il est devenu maroquinier, comme votre père et vous. J’aimerais savoir s’il y a eu d’autre survivants de Frampol qui auraient pu connaître ma famille paternelle.

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