Convoi 6
CEGLA Lejzer
ÂGE
35 ans(10/03/1907)
VILLE DE NAISSANCE
Lodz(Pologne)
SEXE
Homme
MATRICULE
Inconnu
CEGLA Lejzer n'a pas survécu.
MINIBIO
Lejzer CEGLA est né à Lodz. Il était tailleur et demeurait à Paris 10e, 52, rue des Vinaigriers. Convoqué par le Billet Vert, il a été arrêté le 14 mai 1941 et interné. Il était marié à Edzia Elise. Cachée, sa femme a échappé à la déportation. Leur fils a échappé à la déportation.
Témoignage sur Lejzer Cegla convoi 6 par sa nièce Colette Charlet
En visite au Mémorial de la Shoah, en début d’année 2007, mes yeux se sont portés sur le Mur des Déportés. J’ai essayé de voir si les noms de membres de ma famille maternelle étaient inscrits et j’ai découvert celui de mon oncle par alliance, le mari de la sœur de ma mère, disparu à Auschwitz en juillet 1942, par le convoi N° 6.
Il s’agit de Seyseir (Lejzer) CEGLA, dont le prénom avait été francisé en Léon. Pour moi, ce fut une stupeur presque une information incroyable à admettre tant d’années après la disparition des témoins de cette histoire familiale. J’ai dû prendre sur moi pour demander des renseignements auprès du personnel du musée et m’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un nom de famille homonyme. J’ai rassemblé mes souvenirs d’enfance, tout en consultant les données de l’ordinateur. (L’homme en question était bien né à Lodz, il avait habité dans le X e arrondissement de Paris, était tailleur et avait un fils prénommé Jean-Claude…).
Tout concordait, l’Histoire était là avec ses traces fragiles, tant de fois contée par mon père auprès de ses enfants, avec une émotion indicible.
J’ai remonté le temps
……………………………
Mes oncles et tantes maternels étaient originaires de Varsovie, ma grand-mère de Lublin, mon grand-père de Radom. Ils s’appelaient SZMULEWICZ. Si je suis attachée à l’histoire de cet oncle que je n’ai jamais connu, puisque je suis née en 1943, c’est qu’il a marqué mon père qui était français. Ce dernier qui se considérait comme un être qui a fait son devoir d’humain et a toujours refusé le nom de « Juste » a sauvé, caché au péril de sa vie des membres de sa belle-famille : le fils de celui qu’on appelait affectueusement oncle Léon, né à Lodz en Pologne le 10 mars 1907, tailleur de profession et sa femme Elise, mon oncle David (Passage en Suisse).Mon père aimait beaucoup son beau-frère Léon CEGLA et aimait son neveu Jean-Claude comme son propre fils. Mon oncle était un internationaliste, il avait combattu dans les Brigades internationales durant la Guerre civile en Espagne. Au début de la guerre, il s'est engagé aux côtés de l'armée anglaise pour la bataille de Narvik (Norvège) comme beaucoup de Polonais le faisaient. Mon père ne cessait de nous raconter les faits de sa courte vie. Il voulait voir grandir son neveu, très intelligent, et espérait qu’il ferait des études. Ma tante s’est remariée avec un compagnon de camp de mon oncle. A la mort de ma mère en 1963, les rapports se sont distendus et je n’ai jamais revu ma tante et mon cousin. Pour mon père ce fut un crève-cœur tant il avait en tête la légende tragique de son beau-frère. Cette période fut la plus douloureuse de son existence.
Plus tard, j’ai essayé de rechercher les traces de la famille de ma tante, mais en vain. Un grand regret : ne plus avoir de contact avec notre cousin Jean-Claude le fils de Léon CEGLA. Malgré l'absence, il est dans nos têtes et il nous reste les photos de vacances familiales avec nos grands-parents qui courraient après nous, avec leurs jurons en yiddish car on était un peu indisciplinés.
J'ai appelé mes cousines maternelles, Sylvie et Monique, pour savoir si elles savaient quelque chose au sujet de notre oncle commun. Nous ne nous sommes pas vues depuis 15 ans ! Nous nous aimons beaucoup par la pensée.
La première cousine Sylvie Sulevic est la fille aînée de l'aîné de mes oncles. Elle est la plus âgée des petits-enfants SZMULEWICZ, sa mémoire est intacte. Elle avait 11 ans quand on est venu arrêter mon oncle.
Voici ce qui s'était passé. Après Narvik, il a voulu rentrer en France pour revoir son fils et sa femme qui lui manquaient. En 1941, au moment où les lois raciales anti-juives ont été promulguées, il devait repartir pour l'Angleterre. Il avait même les papiers pour le faire. Ma cousine possède ces papiers. Mon oncle ne croyait pas qu'on viendrait l'arrêter malgré les mises en garde familiales, en particulier de mon père qui était au courant de ce qui se préparait à grande échelle, puisqu'il travaillait pour le Ministère des Armées en tant qu'ingénieur dans l'entretien des bâtiments militaires. L'attachement familial de mon oncle a fait qu'il s'est fait arrêter. Mon père fut bouleversé. La suite, vous la connaissez, Pithiviers et le convoi 6.
Parallèlement à l'arrestation, des lettres que ma cousine possède indiquent que mon cousin Jean-Claude, et ma tante Elise CEGLA sont allés rejoindre mon oncle Hirsh SULEVIC (le troisième garçon Szmulewicz) en Suisse. C'est mon père qui, au cours d'une aventure périlleuse, conduisit le convoi à bon port.Ce fait est aussi confirmé par Monique Sulevic, la fille de Hirsh Szmulewicz. Elle m'a appris qu'elle est restée quelque temps en contact avec la famille de notre tante Elise. Monique m'a avoué que vivre dans le passé ne l'intéresse pas, tout en se documentant, pour transmettre aux enfants. Elle en tire simplement les leçons. Elle s'emploie à faire vivre les valeurs de fraternité et solidarité, même dans son métier d’orthodontiste. Aimant la vie, pleine d'humour, comme son père, je l'ai toujours admirée pour son dynamisme.
Cette cousine possède une boîte faite par notre oncle, dans son camp d’internement en France et gravée aux initiales de notre cousin. C’est une preuve que les internés avaient le souci coûte que coûte de transmettre quelque chose à leurs enfants. Elle a aussi des photos, en particulier une belle photo de mon oncle. Notre cousin Jean-Claude CEGLA lui ressemble. Nous n’avons plus de contact avec lui, nous ne savons pas pourquoi les ponts sont rompus. Peut-être ce passé douloureux qui nous a tous atteint au plus profond de nous-mêmes ?
Certains, certaines en tirent la force pour transformer leur vie et d’autres trébuchent et ou enfouissent leurs racines sous le silence.