En 1942, j’avais 9 ans, nous étions réfugiés à Vigneux, mes parents et moi. Pour ma part je n’avais pas l'impression d'être réfugié car depuis ma naissance j’ai toujours habité Vigneux avec mes grands-parents maternels jusqu'à la mort de ma grand-mère en novembre 1940. Etant devenus Parisiens, nous y passions les grandes vacances.

Mais en août 1941 mon père a su qu'il y avait une rafle dans le 11^e et que nous ne pourrions pas retourner à Paris, les scellés ayant été posés sur la porte.

Mon grand-père Elias est né le 15 janvier 1885 à Rosianck et habitait Paris, rue Rambuteau. Je pense que la situation devait être difficile et il a décidé de passer en zone libre. Malheureusement il a été arrêté avec ma grand-mère à la ligne de démarcation. Celle-ci a été libérée après avoir fait de la prison,  je ne saurai dire pour quelle raison mais nous avons pensé qu'à ce moment là les gendarmes français ne donnaient pas les femmes aux Allemands.

Il a d’abord été emprisonné au fort d’Hauteville, puis transféré ensuite à Pithiviers par la gendarmerie française. Mon père l’ayant appris, a décidé à cette occasion que nous pourrions déjeuner ensemble, mon père, ma mère et moi, avec mon grand-père accompagné par deux gendarmes. Nous sommes allés dans un restaurant situé entre la gare de Lyon et la gare d’Austerlitz,  qui possédait une salle un peu discrète.

Nous avons déjeuné en présence des gendarmes et à la fin du repas mon grand-père et mon père se sont un peu éloignés, peut être pour se laver les mains. Mon père a proposé à mon grand-père de l'aider à s'évader car il avait un petit revolver pour tenir les gendarmes en respect. Mon grand-père a refusé prétextant que maintenant il était « tranquille »...

Il est parti avec les gendarmes et je ne l'ai plus jamais revu.