Skip to main content

Témoignage sur Herszel et Bajla Grincajgier convoi 6 par leur fils Maurice Grincajgier et Georges Jacknovitz

Herszel GRINCAJGIER est né le 27 Février 1905 à Piotrkow et son épouse Bajla, née ZYSKIND le 1er Février 1908 à Lodz, tous deux en Pologne.

Tous les documents ayant été détruits, il n’est plus possible de savoir quand, pourquoi et comment Herszel quitta la Pologne pour la France. Sans doute en raison du  manque de travail et des difficultés de la vie dans un environnement antisémite. Par contre, la famille Zyskind ayant immigré en France en 1920 s’installa à Metz au n° 15 de la rue Pontiffroy. Les parents étaient commerçants. Bajla, 12 ans, avait un frère, Albert et une sœur,  Fanny. C’est vraisemblablement à Metz qu’elle rencontra et épousa Herszel lorsqu’elle eut l’âge de se marier, c’est là que Maurice est né  le 12 Septembre 1933, Bajla  avait 25 ans.

Dans cette ville, il semble que tout allait bien. Herszel possédait un magasin de bonneterie et pendant que Bajla s’occupait de la boutique, il faisait des tournées pour vendre des trousseaux aux mineurs de la région ; ceux-ci constituaient une clientèle fidèle,  les affaires marchaient

Au début de la guerre toute la famille a rejoint le cousin de Bajla : Abram Paluch à Montceau-les-Mines. En Septembre 1939, Paluch et sa femme sont partis en zone libre.

Voici les souvenirs de Maurice, âgé à cette époque de six ans :

« Nous habitions rue d’Autun à Montceau-les-Mines dans le très bel appartement de mes grands-parents maternels qui étaient aisés. Dans mes derniers souvenirs, mon père rentrait tard, fatigué, il travaillait comme terrassier dans une entreprise de travaux publics. Il n’était pas grand, mais très fort avec de larges épaules. Je l’ai vu un jour, dans la rue, effectuer son dur labeur à la pioche et je comprends pourquoi il rentrait fatigué à la maison.

Ma mère et sa sœur étaient couturières et s’imposaient de longues journées de travail. C’est donc ma grand-mère qui m’a pratiquement élevé, ma tante aimant consacrer une partie de ses loisirs à me distraire et à m’éduquer. Mes parents, absorbés par leurs occupations professionnelles avaient peu de temps pour s’occuper de moi, mais je suis fier de penser que, malgré la bonne situation de mes grands-parents, ils ne voulaient pas être à leur charge, ce qui est tout à leur honneur.

Mon grand-père y croyait, c’était un communiste pur et dur ; un jour de 1937, se faisant accompagner de son fils, mon oncle Albert, et de sa fille, ma chère tante Fanny, malgré leur réticence, ils partirent tous les trois en Russie en espérant nous préparer une vie plus sereine. Malheureusement, un an après leur arrivée  à Leningrad, mon oncle fût soupçonné d’espionnage et, après 18 mois de détention préventive, fut envoyé en Sibérie pendant neuf ans,  puis interné au goulag pendant 10 ans.

Cet exode en Russie leur a, sans doute, évité d’être pris et déportés comme ils auraient pu l’être en France. En 1957,  ils ont pu revenir de Russie en Pologne, anéantis physiquement et moralement. Etant attendus par une famille en France, mon grand-père et ma tante ont réussi à être rapatriés. Dans les années 1970, mon oncle Albert, toujours retenu en Pologne, n’avait qu’un seul désir : retrouver son père alors âgé de 83 ans et sa sœur Fanny. Ce vœu n’ayant pu être exaucé et ne supportant plus une vie solitaire, loin des siens, il s’est suicidé.

Lorsque les gendarmes sont venus le 14 Juillet 1942, arrêter mes parents, ils m’ont laissé avec ma grand-mère ; j’avais neuf ans, nous étions les seuls d’une famille très unie à rester dans le bel appartement de Montceau-les-Mines. Papa et Maman ont été déportés ensemble trois jours plus tard, de Pithiviers par le convoi n°6, pour Auschwitz et je ne les ai plus jamais revus.

En Octobre, deux gendarmes (ont-ils vécu heureux du devoir accompli avec une bonne retraite, et de nombreux petits-enfants ?) sont venus chercher ma grand-mère. Je ne l’ai pas vue partir, je jouais avec des copains. Le soir, des voisins se sont inquiétés ; la boulangère m’a recueilli, elle a contacté mr.Braunstein, l’horloger qui avait une épouse catholique. Il m’a gardé deux mois et a demandé à mr.Bièvre de me faire passer la ligne. La ligne de démarcation : une barrière, c’est tout ! M. Bièvre avait l’air de connaître.

Il m’a emmené chez le cousin de ma mère, Paluch, qui s’était réfugié en Savoie. Paluch m’a conduit  dans un petit village de la Creuse, Bellegarde en Marche, chez des cultivateurs retraités, monsieur et madame Delarbre chez lesquels je suis resté deux ans. On habitait la grande rue du village et les deux années se sont passées sans problème. Mon cousin payait ma pension, j’allais à l’école sous mon vrai nom, tout était bien.

A la libération, Madame Paluch est venue me chercher, elle m’a ramené à Montceau-les-Mines en attendant que mes parents reviennent, mais ils ne sont pas revenus, ma grand-mère non plus. Paluch m’a adopté et j’ai adopté son mode de vie. A dix-sept ans, j’ai commencé à travailler dans la confection.

Maintenant je suis un vieux monsieur de 74 ans qui se souvient que sa maman était très belle et son papa si fort qu’il pouvait manger du verre…

Décembre 2007

Plus d'informations ?

Déportés liés à ce document

Convoi 6

GRINCAJGIER Herszel

En savoir plus

Laisser un commentaire