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Informations sur la famille de Chaïm Bender convoi 4 source Marcel Sztejnberg

Les BENDER

En 1920, un jeune homme nommé Josek Chaïm Bender arrive en France. Il quitte la Pologne à cause de l’antisémitisme (attitude d’hostilité systématique envers les Juifs) et des pogroms (attaques violentes contre les Juifs) qui ont commencé dans son pays. Après l’assassinat de son père, Yitzhak, par des cambrioleurs en 1919[1], Josek Chaïm ne se sent plus en sécurité et décide de quitter la Pologne en laissant les autres membres de sa famille derrière lui.

En 1923, une jeune femme nommée Gita Goldstein arrive en France avec sa famille. Ses parents, Samuel Goldstein (né en 1890) et Jochwet Leibovitz (née en 1888), ont eux aussi traversé l’Europe afin de fuir la crise sociale en Pologne et les pogroms qui se multiplient.

Quand Samuel et Jochwet arrivent en France, ils ont neuf enfants nés dans plusieurs pays : trois sont nés en Pologne avant 1914, cinq sont nés au Danemark entre 1914 et 1920 et une est née en Allemagne en 1922[2]. Plus tard, ils ont trois autres enfants nés en France. En 1927, ils demandent la nationalité française et sont naturalisés en 1928[3].

Comme eux, nombreux sont ceux qui viennent s’installer en France, premier pays à avoir émancipé les Juifs. Un fonctionnement communautaire basé sur l’entraide se met alors en place autour de la culture et de la religion. Certains sont installés en France depuis longtemps et d’autres viennent d’arriver récemment d’Europe centrale et orientale. Ces derniers parlent le yiddish et vivent en communauté structurée. Certains s’engagent dans des fédérations créées en 1926, d’autres dans le syndicalisme voire dans un militantisme politique.

Gita Goldstein fait la rencontre de Josek Chaïm Bender avec qui elle se marie le 10 janvier 1928[4]. Selon leur acte de mariage, Gita est alors couturière et travaille ainsi dans le même domaine d’activité que son père, Samuel, qui est tailleur de vêtements. Josek Chaïm est, quant à lui, emballeur mais exerce aussi le métier de presseur.

De leur union naissent quatre enfants qui se nomment Mina (née le 28 juin 1930)[5], Jacques (né le 28 juillet 1932)[6], Dora (née le 29 juillet 1935)[7] et Jean (né le 22 mars 1940)[8].

Leurs enfants naissent juifs et français et grandissent dans la culture yiddish, comme le montre une carte postale datée du 28 octobre 1930. Cette dernière est rédigée en yiddish par Josek Chaïm à sa sœur pour annoncer la naissance de sa fille Mina. Les parents n’ont donc pas abandonné leur langue et leur culture et gardent contact avec ceux restés en Pologne.

La carte reproduite ci-dessus est une photographie de Mina dans les bras de sa mère. Elle est alors âgée de quatre mois. Cette photographie a probablement été prise chez un professionnel : la forme est ovale, l’arrière-plan est noir, Gita est élégante et porte un collier de perles et Mina semble soutenue par un trépied. Toutes deux regardent l’objectif.

Ce document est exceptionnel car il a été retrouvé en 2014 dans une armoire en Australie par Braham Zilberman. Il est le petit-fils de Pawa Sura qui s’était elle-même réfugiée en Australie au début de la Seconde Guerre mondiale.

Nous avons cherché à retracer le parcours de la famille à Paris dans les années 1930. Ainsi, l’étude des actes de naissance de Mina, Jacques, Dora et Jean montre que la famille a souvent changé d’adresse.

À la naissance de Mina en 1930, Gita et Josek Chaïm vivent au 20 rue Piat puis, à la naissance de leur second enfant, Jacques, en 1932, ils résident au 11 Faubourg Saint-Antoine. En 1935, à la naissance de Dora, la famille réside au 16 rue des Fossés-Saint-Bernard. Et enfin, au moment de l’arrivée de Jean, le petit dernier, en 1940, ils habitent au 10-12 rue des Deux-Ponts, au 3e étage. Les parents de Gita habitent au 1er étage du même immeuble qui est alors géré par la Fondation Halphen.

Lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Josek Chaïm s’engage pour la France dans le 21e régiment de marche des volontaires étrangers[9].

En novembre 1941, l’Union Générale des Israélites de France (UGIF) est créée par le régime de Vichy à la demande des autorités allemandes. Plusieurs maisons d’enfants sont ainsi gérées par l’UGIF en région parisienne : elles accueillent des enfants de tous les âges et aux parcours très différents. Certains d’entre-eux sont orphelins, d’autres y sont placés par leurs parents, certainement dans l’espoir de les protéger.

C’est le cas de Mina et Jacques qui ont été placés au centre de la Varenne par leur maman, vraisemblablement au cours de l’année 1942. Ils n’ont pas accepté cette situation et se sont enfuis du centre pour rentrer au domicile familial[10]. Quant à Dora et Jean, ils ont aussi été placés dans des centres de l’UGIF, notamment ceux de la rue Lamarck et de l’avenue Secrétan[11] mais il est difficile de retracer leur parcours exact.

Le 20 janvier 1942, la « solution finale de la question juive » est décidée lors de la conférence de Wannsee. C’est dans ce contexte que les nazis prennent la décision d’exterminer systématiquement plus de onze millions de Juifs en Europe.

Avant même cette date, le régime de Vichy collabore avec l’Allemagne nazie et organise des arrestations sur le territoire français. Le 14 mai 1941, la police française organise ainsi la rafle du « billet vert ». Les hommes juifs étrangers sont convoqués dans les postes de police pour un « examen de leur situation administrative » par l’intermédiaire d’une fiche verte. C’est pourquoi cette rafle est dite du « billet vert ». En réalité, cette convocation sert de prétexte à leur arrestation.

C’est à cette occasion que Josek Chaïm est arrêté puis emmené à la gare d’Austerlitz. Il est ensuite transféré le jour même au camp de Pithiviers situé dans le Loiret[15]. Il s’agit d’un camp de transit composé de baraquements en bois.

Josek Chaïm se voit attribuer le numéro de matricule 66 et il est d’abord affecté à la baraque 14 puis à la baraque 8 du camp[16]. Comme les autres internés, il ne sait pas ce qui l’attend ni le temps qu’il va devoir passer dans ce camp.

Certains internés peuvent sortir pour exercer un travail en dehors du camp : c’est le cas de Josek Chaïm qui est affecté à des tâches agricoles dans une ferme en août 1941. Puis, il travaille à la sucrerie de Pithiviers, située à côté du camp, d’octobre 1941 à avril 1942[17].

Les visites des proches sont autorisées. C’est ainsi que Gita obtient l’autorisation de rendre visite à son mari le 16 juin 1941, accompagnée de l’un de leurs enfants[18].

Le 11 janvier 1943, la famille Goldstein-Bender fait l’objet d’une enquête de la Préfecture de police de Paris avec pour objectif d’obtenir leur dénaturalisation[14]. En leur ôtant la nationalité française, le régime de Vichy cherche à isoler les Juifs du reste de la population et à les priver de libertés. Toutefois, les membres de la famille Goldstein-Bender ne sont pas dénaturalisés car plusieurs d’entre eux, dont Josek Chaïm, se sont engagés dans l’armée française au début de la guerre.

Après un bombardement en avril 1944, les enfants sont, quant à eux, transférés du centre de l’UGIF de l’avenue Lamarck (Paris 18e) vers le centre Secrétan (Paris 19e). Tauba, leur tante, y travaille comme ménagère[19], ce qui rassure Gita.

Quelques mois plus tard, afin de les soustraire au danger, plusieurs enfants sont clandestinement envoyés dans des fermes situées à l’écart de Paris. C’est ainsi que Mina est envoyée à Montereau, au sud-est de la capitale, pour être cachée dans une ferme. Elle s’y fait passer pour une catholique. Ses frères et sœur doivent la rejoindre et ne doivent pas dire qu’ils sont Juifs.

Mais, les 22, 23 et 24 juillet 1944, la Gestapo organise des rafles dans les centres de l’UGIF à Paris. Jacques, Dora et Jean sont alors arrêtés, comme près de 300 enfants âgés de 2 à 15 ans[20]. Le piège se referme sur eux.

Josek Chaïm est « remis aux autorités occupantes » le 25 juin 1942 et il est déporté le jour même de la gare de Pithiviers vers Auschwitz-Birkenau, par le convoi n°4[24]. Il ne reviendra jamais, assassiné à 41 ans dans les chambres à gaz.

Josek Chaïm fait partie des premiers Juifs déportés de France vers ce centre de mise à mort, dans le cadre de la mise en œuvre de la « solution finale ». En effet, en prévision des grandes rafles de juillet 1942 et notamment de celle du Vel’d’Hiv’, les camps de transit sont vidés de leurs occupants.

Le 31 juillet 1944, Jacques, Dora et Jean sont à leur tour déportés de Drancy-Bobigny dans le convoi n°77, l’un des derniers en direction d’Auschwitz-Birkenau. Comme Daniel Urbejtel, ils font donc partie des dernières personnes à être déportées de France dans des wagons à bestiaux.

Tous sont transférés au camp de Drancy, à l’emplacement de la cité de la Muette. Lorsque la guerre éclate en France en 1940, la cité est inachevée et elle est rapidement transformée en camp de prisonniers. C’est à partir d’août 1941 qu’elle devient un camp de transit dans lequel sont enfermés les Juifs arrêtés avant d’être déportés.

Le camp, surveillé par des gendarmes français, est entouré par des barbelés et des miradors. Les bâtiments forment un U, la structure est terminée mais aucun aménagement intérieur n’est réalisé[21]. Un seul point d’eau est en service pour l’ensemble des internés qui vivent dans des conditions difficiles et insalubres. La discipline y est très dure. Des enfants isolés, perdus ou malades ont peur[22].

À leur arrivée, tous sont dirigés vers une baraque à fouille au fond de la cour dans laquelle sont confisquées leurs affaires personnelles. C’est aussi là qu’ils sont enregistrés.

Jacques, Dora, Jean et leur tante Tauba sont d’abord placés escalier 4, chambrée 4, puis sont ensuite déplacés escalier 6, chambrée 2[23].

Dix membres de la famille Goldstein-Bender ont passé les portes du centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau. Sur ces dix vies, huit ont été arrachées. Josek Chaïm Bender et ses trois enfants Jacques, Dora et Jean. Thérèse Goldstein et Sonia Goldstein, tantes des enfants. Bernard et Daniel, cousins des enfants.

Exceptés Josek Chaïm, déporté par le convoi n°4, et Elieser Goldstein, déporté par le convoi n°61, ils ont tous été déportés par le convoi n°77, le 31 juillet 1944.

Seuls le mari de Sonia, Wolf Goldstein, et son frère Elieser Goldstein, ont survécu.

Après la Libération, nous ne savons pas exactement à quelle date Mina revient à Paris.

En revanche, nous savons que sa mère, Gita Goldstein, est restée au 10-12 rue des Deux-Ponts à Paris et y vit toujours à la fin de la guerre.

En 1948, elle constitue des dossiers de demande de certificats de déportation au ministère des anciens combattants et victimes de guerre.[27]

En 1951, elle constitue par ailleurs des dossiers de demande d’attribution du titre de déportés politiques pour chacun de ses trois enfants disparus[28]. Ce titre leur est attribué par décision ministérielle le 5 novembre 1954[29].

 

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